What if the walls were more flexible?

What if the walls were more flexible?, qu'on peut traduire par Et si les murs étaient plus flexibles ?, est une série collaborative débutée en 2019. En plus de nous deux, c'est-à-dire Nathalie Stirnimann et Stefan Stojanovic, elle implique également Vesna Stojanovic, la maman de Stefan. Vesna est âgée de cinquante deux ans et vit en Serbie. Nous aimerions vous donner ici un aperçu du processus de travail qui a mené à l'œuvre se trouvant devant vos yeux aujourd’hui. 

En 2019, Vesna est confrontée à la corruption politique du marché du travail en Serbie. En refusant de participer aux activités du parti au pouvoir, elle perd son emploi de soignante dans un établissement thermal public, à Bujanovac. Elle se retrouve alors avec des options très limitées, telles que travailler à la chaîne ou émigrer. Un choix presque impossible à passé cinquante ans.

Cette impasse est le point de départ de notre collaboration artistique qui, sous le titre What if the walls were more flexible?, a tout d'abord donné naissance à une série de briques crochetées par Vesna, pour lesquelles elle a été payé équitablement. Chaque brique était composée de 32 couches crochetées, empilées les unes sur les autres, formant ensemble une brique flexible blanche en trois dimensions. Dans cette première phase du projet, trois briques ont été créées entre 2020 et 2021, puis exposées, entre autres, à Zurich en Suisse, à Prague en République Tchèque, ou encore à Novi Sad en Serbie.

La deuxième phase commence en 2021, lorsque nous prenons part tous les trois à une résidence d’artistes de deux mois au Theater Neumarkt à Zurich. Dans un lieu agencé mi-atelier mi-salon, nous invitons les gens à participer à la construction d'une œuvre collaborative : un mur flexible crocheté. C'est cette œuvre que vous voyez aujourd'hui devant vous. Comme vous pouvez le constatez, les parties crochetées représentent non les briques, mais la matière qui lie les briques entre elles. Deux fois par semaine pendant deux mois, Vesna apprend alors aux participantes et aux participants à faire du crochet. Au fil des heures et des semaines, l’œuvre voit le jour petit à petit.

Ce mur reflète la frontière entre Est et Ouest, entre le cœur du capitalisme et sa périphérie. Le temps, les connaissances et les histoires partagés durant ces sessions collectives y sont crochetés, à la recherche d'une pratique transfrontalière, mais aussi de ce qui nous relie plus que ce qui nous distingue. Car si nous nous intéressons au concept de limite – entre Est et Ouest, centre et périphérie –, c’est pour mieux sonder ses porosités et ses transgressions, autrement dit pour que les murs s'adaptent aux personnes, et non l'inverse.


Balade littéraire

Paolo Cognetti : Les huit montagnes