Le vent effacera leur dos

Il fallait bien ça. Un cheval de Troie sans soldat pour porter sur la croupe cet ourlet de sangles de bois tendre. Ce cageot déplié, tout neuf, pour poser cette lune en mille morceaux.

Par les trous noirs, des éclats passés d’étoiles. Sur le sol, la lumière en damiers, comme un jeu.

Dans le ventre en cachot. Des souvenirs enfouis, bien gardés. Et, sur la peau, une pluie fine et froide de fils de fer, dessinés, assemblés par morceaux.

Dark mouth. Croix de bois – croix de fer. Chassés de leur terre par la misère et des rêves bien vites brisés. Pas le temps de s’enraciner, passer des frontières, profiter des plaines, des crêtes, des tempêtes de neige. De la faim.

De cet abri précaire, le motif enserre la nuit. Pour s’allonger, il faut boucher des trous, courber l’échine. Dormir les poings serrés contre la terre nue.

Il n’existe plus de lieux sûr.

Demain, vers l’orage d’été sur un territoire lointain… tandis que le vent effacera leur dos.

 


Balade littéraire

René Char : Divergence